Cela aurait pu être le dernier match de Coupe du monde de Luka Modric. Mais pour prolonger le plaisir, la Croatie s'est trouvé un autre héros, Dominik Livakovic, le gardien qui a écoeuré les Brésiliens vendredi pour envoyer les Vatreni en demi-finale du Mondial-2022. 

"Ne sous-estimez jamais un Croate", avait prévenu le sélectionneur Zlatko Dalic. Surtout s'il est gardien de but et surtout s'il vient de la petite cité de Zadar, joli port de la côte adriatique. 

C'est là qu'est né Danijel Subasic; c'est de là aussi que vient Livakovic, 27 ans, son successeur dans les buts croates. 

Comme son aîné en 2018, il a qualifié les "Ardents" à l'issue de séances de tirs au but en huitièmes, puis en quarts de finale. 

Les victimes de Subasic étaient le Danemark puis l'hôte russe. Livakovic était sur le banc. Cette fois, c'est lui qui a endossé le rôle du bourreau.

Contre le Japon en huitièmes (0-0 après prolongation), il était déjà devenu le troisième gardien de l'histoire à ne concéder aucun des trois premiers tirs au but dans un Mondial, un club très select où il a rejoint... Subasic. 

Face au Brésil, candidat proclamé à un sixième sacre, la marche était encore plus haute, avec pour enjeu une incroyable deuxième demi-finale consécutive pour ce petit pays de moins de 4 millions d'habitants. Mais Livakovic n'a pas tremblé, arrêtant d'entrée la tentative de Rodrygo avant que son poteau droit ne repousse celle de Marquinhos pour sceller le sort du match.

Le gardien du Dinamo Zagreb n'avait pas attendu cette terrible épreuve pour immiscer le doute chez les Brésiliens. Du genou, du bras, du pied, tel un gardien de handball parfois (46, 55, 66, 76, 120+2), il a écoeuré les Neymar, Richarlison, Paqueta, et autres Casemiro. 

Il a fait la différence

"Il a fait la différence tout au long du match", "dans des moments cruciaux" avant que son premier tir au but arrêté "ne nous donne confiance".

Aucun tireur croate n'a manqué sa tentative. "Le héros Livi a détruit les rêves de la superpuissance" brésilienne, a titré sur son site internet le quotidien Jutarnji List dès le coup de sifflet final.

Certes, Neymar s'est joué de lui sur l'ouverture du score (105e+1), mais l'égalisation de son équipier du Dinamo Zagreb Bruno Petkovic a remis les équipes à égalité.  

Etre sous-estimé Livakovic sait ce que c'est. Après le Mondial-2018, c'est Lovre Kalinic qui semblait tenir la pole position pour la succession de Subasic. Mais des blessures puis une forme vacillante du gardien du Hajduk Split ont fait le jeu de Livakovic. Qui se savait observé de près.

Après la qualification contre le Japon, "quand les joueurs ont couru vers lui, comme ils l'avaient fait avec Subasic il y a quatre ans, il a semblé soulagé", "débarrassé de la colère, de la peur et de l'insécurité", a écrit le quotidien Vecernji List. "Il a dû combattre les doutes, les critiques, mais avant tout lui-même", selon le journal. 

"J'ai commencé le football à six ans. Et je suis devenu gardien à la seconde séance", a raconté aux médias croates cet admirateur d'Iker Casillas. 

"Comme tout gamin, j'ai pratiqué plusieurs sports, dont le basketball, jusqu'à ce que je réalise que ce que j'aimais vraiment, c'est le terrain de foot", a poursuivi ce petit cousin de Josip Skoblar, l'ancien buteur de l'Olympique de Marseille, un autre enfant de Zadar. 

S'il n'a jamais joué pour un club d'un riche championnat, à l'inverse d'un Subasic, Livakovic n'en est pourtant pas à son premier coup. 

L'amicale de Zadar

C'est lui qui en septembre avait contraint Chelsea à accepter une défaite inattendue (1-0) en Ligue des Champions, avec notamment un double arrêt invraisemblable en fin de match.

C'est lui encore qui lors de la saison 2020-21 avait été décisif devant Harry Kane pour barrer à Tottenham le chemin de la qualification et offrir au Dinamo Zagreb son premier quart de finale d'Europa League. 

En demi-finale, contre les Pays-Bas ou l'Argentine, il sera encore une pièce maîtresse de Dalic. Comme avant chaque match, il priera en pensant à son grand-père décédé. "Depuis le début, il m'a soutenu, et si je suis là, c'est avant tout grâce à lui. Il m'a beaucoup appris, notamment l'humilité", a raconté Livakovic aux médias croates.

Une admiration pour un grand-père défunt qu'il partage avec Luka Modric. un autre enfant de Zadar, terre de footballeurs croates.