Brighton et Crystal Palace, opposés samedi (16h00), sont distants de 70 km mais unis par une rivalité singulière, née dans les années 1970 d'une inimitié entre entraîneurs et infusée à coups de café renversé, de chants moqueurs et de duels mémorables.

En Angleterre, la rivalité sur les terrains de football se cultive entre voisins, comme Newcastle et Sunderland, ou entre concurrents directs, comme Liverpool et Manchester United. Et puis il y a l'inclassable "derby de la M23", au surnom contesté par les supporters du fait de la distance géographique.

L'autoroute reliant le quartier de Croydon, le territoire de Crystal Palace, au sud de Londres, à Brighton, ville balnéaire du sud de l'Angleterre, cimente un faux "derby" entre clubs qui n'étaient pas voués à se quereller.

"C'est une haine fondée sur une série d'événements historiques, qui s'est transmise de génération en génération", explique Scott McCarthy, journaliste indépendant et fan de "Brighton & Hove Albion Football club" --le nom complet de la formation-- depuis sa plus tendre enfance.

"Ca n'existait pas quand j'étais supporter, gamin", a justement relevé l'entraîneur de Palace, Roy Hodgson, né à Croydon il y a 76 ans, qui s'exprimait sur le sujet en décembre, avant le match aller (1-1).

La présence de la police montée ce soir-là autour de Selhurst Park disait tout de l'ambiance particulière. Aucun incident n'avait heureusement été relevé, si ce n'est le "V" (l'équivalent d'un doigt d'honneur en Angleterre) mimé par un jeune supporter de Palace devant le parcage visiteurs à la mi-temps.

Monnaie, café et policiers

C'est aussi le geste effectué par Alan Mullery, l'entraîneur de Brighton en 1976, après avoir été aspergé de café par les supporters de Crystal Palace à l'issue d'un deuxième "replay" de Coupe d'Angleterre perdu 1-0.

En réaction, "j'ai sorti de la monnaie de ma poche, l'ai jetée au sol en criant +c'est tout ce que vous valez+", avait raconté l'ancien milieu de Tottenham, exfiltré par la police après son geste d'humeur.

La rivalité est née à cette époque, puisant sa force dans l'inimitié entre Mullery et Terry Venables, son ex-coéquipier chez les Spurs, devenu entraîneur de Palace.

"A partir de là, presque chaque match a été marqué par un incident", rapporte Scott McCarthy. Le contributeur du site We Are Brighton cite par exemple le "tacle horrible" ayant "mis fin à la carrière de Gerry Ryan, joueur populaire de Brighton", ou la "pie" (tarte) jetée par un fan de Brighton sur Wilfried Zaha.

Lui se souvient avec tristesse de la claque 5-0 reçue par son équipe en 2002 à Selhurst, son premier déplacement là-bas.

Au rayon des souvenirs heureux, il conserve précieusement le "massacre de la St Patrick", un cinglant 3-0 infligé le 17 mars 2013 au rival londonien, à une époque où Brighton n'était pas la joyeuse bande enthousiasmante d'aujourd'hui.

"C'était le dimanche suivant le grand festival hippique de Cheltenham, auquel j'avais aussi participé, donc j'avais la gueule de bois. Détruire Palace de la sorte m'a vite remonté le moral, et cela a prolongé ma gueule de bois jusqu'au mercredi".

"Oooh aaah Cantona"

Son sourire s'était évanoui deux mois après quand les "Eagles" (aigles) de Palace, longtemps la meilleure des deux équipes, ont éliminé son "Albion" (2-0) en demi-finales d'accession à la Premier League sur un doublé de Zaha, devenu une figure honnie.

A chaque rencontre, les supporters s'échangent des noms d'oiseaux et des moqueries. Ceux de Brighton adorent chanter "Ooh ahh Eric Cantona", une référence au coup de pied du "King" asséné en 1995 à un supporter de Palace. Un autre chant, où il est question de "brûler votre propre ville", évoque les émeutes de 2011 à Croydon.

Etonnamment, c'est une passe d'armes en tribunes qui a conduit Brighton à changer son surnom, des "Dolphins" aux "Seagulls" ("mouettes", en français), dans les années 1970.

"Les supporters de Palace venaient à Goldstone (ancien stade de Brighton, ndlr) en pointant les bras vers le ciel en criant +Eagles, Eagles, Eagles+, ce à quoi un groupe de supporters d'Albion a décidé de répondre en faisant le même geste avec +Seagulls, seagulls, seagulls+", raconte McCarthy.

Par la suite, dit-il, "le club a introduit un nouvel écusson avec une mouette et a adopté officiellement le surnom. L'un des aspects les plus étranges de cette rivalité".