Jack Grealish lors du derby contre Manchester United, le 6 mars 2022 à Manchester

S'il ne justifie pas encore complètement les 120 millions d'euros déboursés pour lui, Jack Grealish trouve progressivement sa place dans la cohorte de talents qu'est Manchester City, qui accueille le Sporting Portugal, mercredi, en huitième de finale retour de Ligue des champions (21h00).

Il n'y a pas si longtemps encore, les observateurs les plus sévères du football britannique n'auraient pas hésité à qualifier de "flop" ce recrutement dont la logique autant que le montant défiaient l'entendement.

Un joueur qui préfère porter le ballon, dribbler et provoquer des fautes que toujours chercher un partenaire mieux placé que lui pour une passe, ne semblait pas forcément taillé pour évoluer sous les ordres de Pep Guardiola.

L'étiquette de "joueur anglais le plus cher de l'histoire" semblait aussi bien lourde à porter pour un joueur qui, à 25 ans, n'avait aucune expérience européenne et seulement 12 sélections.

Grealish lui-même a fini par laisser filtrer sa frustration face à ses débuts laborieux.

"J'ai trouvé ça bien plus difficile que je ne l'aurais pensé de m'adapter à un nouvel entraîneur et de nouveaux coéquipiers", a-t-il admis dans une interview au Telegraph publiée début décembre.

"Je me suis toujours considéré comme un électron libre", a-t-il poursuivi, évoquant la très grande liberté qui lui était laissé lorsqu'il était l'idole d'Aston Villa. "Ici, c'est plus structuré et complètement différent. C'est de ça que je parle quand je dis +m'adapter+."

- Se détacher des statistiques -

Dans un football qui lorgne de plus en plus vers les sports américains et les statistiques brutes, il souffrait aussi de ne pas avoir plus à présenter que 2 buts et 3 passes décisives, toutes compétitions confondues, à ce moment-là.

"Au début, je pensais que j'aurais plus le ballon et que je donnerais plus de passes décisives, marquerais plus de buts, mais ce n'est pas comme ça que ça marche du tout", avait-il déploré.

Un discours qui avait eu le don d'agacer un peu Guardiola.

"Les joueurs, aujourd'hui, ne jouent plus que pour leurs statistiques, mais c'est la plus grande erreur qu'ils puissent faire", a-t-il pesté la semaine dernière.

"Les statistiques sont juste un bout d'information que nous avons, mais il y a des joueurs qui rendent leur équipe meilleure sans figurer dans les statistiques", avait-il poursuivi.

Un rapide regard - quand même - sur les chiffres ne donne d'ailleurs pas le sentiment que Grealish "sous-performe", même si le turnover régulier à City réduit son temps de jeu.

Avec 2,1 passes-clés (celles qui aboutissent à une frappe au but) par match de 90 minutes en moyenne, il n'est devancé que par Kevin De Bruyne à City.

- Se sentir enfin légitime -

Il apporte aussi 2,3 coups-francs par match de 90 minutes à son équipe, le plus souvent aux abords de la surface, ce qui fait de lui le 5e joueur dans ce domaine en Premier League et il est aussi le joueur qui est rentré le plus souvent balle au pied dans la surface adverse, devant Mohamed Salah.

Excellent, dimanche, contre Manchester United (4-1) lors du derby, sa contribution - sans but ni passe décisive - a été louée par son entraîneur.

"En termes de prise de décision, de conservation du ballon, d'attirer deux ou trois adversaires vers lui pour donner davantage d'espaces aux joueurs à l'opposé, c'était exceptionnel, ce qu'il a fait", avait souligné le Catalan pour qui il ne manque qu'une chose à Grealish pour rayonner: se sentir enfin légitime dans l'équipe et être "égoïste" à bon escient.

"Le jour où il comprendra davantage, dans le dernier tiers du terrain +ce ballon est pour moi+... Il est si généreux la plupart du temps, (il doit comprendre) quand il doit faire la passe et quand il doit prendre un risque", a-t-il détaillé.

Ce jour-là, Grealish sera enfin l'arme fatale que City a vu en lui.