Michele Kang, nouvelle patronne de l'OL féminin, souhaite que le club "passe dans une autre dimension" et a pour objectif de construire un nouveau stade car les joueuses méritent "le même niveau d'équipement que les hommes", a-t-elle expliqué dans un entretien à l'AFP.

Neuf mois après l'annonce de son arrivée à la tête de l'OL féminin, la milliardaire américaine a officiellement été intronisée jeudi.

Question: Pourquoi vouloir investir dans le football féminin ? 

Réponse: "C'est le moment de le faire. Le football féminin est en pleine expansion. La dernière Coupe du monde l'été dernier l'a encore montré avec deux milliards de téléspectateurs et plus de 1,5 million de billets vendus. Sa compétitivité augmente. Si nous n'investissons pas maintenant et si nous ne procédons pas à des changements fondamentaux, cette expansion ne sera pas durable." ²

Q: De quels changements parlez-vous ? 

R: "En commençant à m'investir dans le football aux États-Unis, j'ai constaté que les joueuses s'entraînaient, se nourrissaient, se développaient selon des règles établies pour des hommes, sans jamais prendre en compte la particularité du corps des femmes, notamment leurs règles qui ont un impact énorme sur leur sommeil et leur nutrition par exemple. 94% des recherches scientifiques sur la performance des athlètes ne sont faites uniquement que pour les hommes. Il existe donc un manque fondamental de données sur le sport féminin."

Q: Pourquoi avez-vous choisi l'Olympique lyonnais ? 

R: Parce que je voulais travailler avec la meilleure équipe d'Europe. Le travail à accomplir avec cette équipe est considérable. Le premier match de l'OL que j'ai vu, c'était OL-Bordeaux en D1 sur un terrain d'entraînement devant 1.200 personnes. Quand les joueurs de l'OL bénéficient d'un magnifique centre d'entraînement, les filles doivent se contenter de deux étages dans un bâtiment où tout le monde entend les conversations des autres. Elles méritent le même niveau d'équipement que les hommes." 

Q: Où souhaitez-vous que l'OL féminin joue ses matches ?

R: "Je suis une entrepreneuse et je veux que le stade soit rempli. J'aimerais pouvoir remplir le Groupama Stadium mais ce n'est pas le cas pour toutes les rencontres. Mais il y a une marge entre 1.200 personnes et les 58.000 du Groupama. La bonne jauge devrait se situer entre 10.000 et 15.000 places. Ce que je veux, c'est que les joueuses de l'OL soient les meilleures au monde. Et pour cela, elles doivent bénéficier d'infrastructures, d'un stade et d'un centre d'entraînement, qui le leur permettent. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Et mon projet c'est de les construire."

Q: Vous dites être une entrepreneuse, on imagine que vous ne ferez donc pas ces investissements à perte ? 

R: "Non. La viabilité commerciale est peut-être ce qu'il y a de plus important. Je veux faire venir des supporters dans le stade. Un stade plein, dans le foot féminin, c'est actuellement plus important que les recettes liées aux droits TV. Je souhaite donc beaucoup plus de spectateurs. Si le niveau de jeu augmente, le spectacle offert aussi. Je pense donc qu'il faut d'abord investir pour rendre le produit passionnant. Les supporters viendront ensuite naturellement. Demandez aux footballeuses professionnelles aujourd'hui, ce qui leur manque vraiment par rapport aux hommes? Ce n'est pas la différence de salaire qui va revenir en premier, c'est de jouer contre les meilleures joueuses dans un stade rempli."

Q: Quel est votre lien avec John Textor, le patron de l'OL ? Et Jean-Michel Aulas ? 

R: "Je savais qui était M. Textor, mais je ne le connaissais pas personnellement avant qu'il ne reprenne le club. Je l'ai appelé, lui ai présenté mon projet et visiblement, il y a cru. Quant à M. Aulas, sans lui, l'OL féminin n'existerait pas. Je lui dois donc énormément, et lui suis très reconnaissante d'avoir amené l'équipe à ce niveau. A moi désormais de la faire passer dans une autre dimension."

Q: Que répondez-vous aux critiques concernant le manque d'équité de votre projet avec l'OL féminin ?

R: "Il s'agit d'une opportunité de faire passer le sport féminin à un niveau supérieur, d’une accélération. J'espère que ce sera une occasion pour toutes les équipes de travailler ensemble."

Q: Vous avez récemment acquis un club de deuxième division anglaise, après l'OL féminin et Washington Spirit, quel est votre projet de super-structure de clubs ?

R: "L'un des principaux objectifs est d'accélérer le développement du sport féminin à l'échelle mondiale. Il ne s'agit pas d'un phénomène français ou américain, car les talents sont partout. L'Afrique se développe très rapidement. Nous nous intéresserons à des équipes en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, en Amérique du Nord. Cela va dans le sens de l'accélération." 

Propos recueillis par Léo HUISMAN et Alice LEFEBVRE le 24 janvier.